CAP-BEP-2001-FRANCAIS-TERTIAIRE- GRP1


TEXTE 1

 

Mon père a un couteau à la main et taille un morceau de sapin ; les copeaux tombent jaunes et soyeux comme des brins de rubans. Il me fait un chariot avec des languettes de bois frais.

Les roues sont déjà taillées : ce sont des ronds de pommes de terre avec leur cercle de peau brune qui imite le fer... Le chariot va être fini ; j'attends tout ému et les yeux grands ouverts, quand mon père pousse un cri et lève sa main pleine de sang. Il s'est enfoncé, le couteau dans le doigt. Je deviens tout pâle et je m'avance vers lui ; un coup violent m'arrête ; c'est ma mère qui me l'a donné, l'écume aux lèvres, les poings crispés.

" C'est ta faute si ton père s'est fait mal ! "

Et elle me chasse sur l'escalier noir, en me cognant encore le front contre la porte.

Je crie, je demande grâce, et j'appelle mon père: je vois, avec ma terreur d'enfant, sa main qui pend toute hachée, c'est moi qui en suis la cause ! Pourquoi ne me laisse-t-on pas entrer pour savoir ? On me battra après si l'on veut. Je crie, on ne me répond pas. J'entends qu'on remue des carafes, qu'on ouvre un tiroir ; on met des compresses.

" Ce n'est rien ", vient me dire ma cousine, en pliant une bande de linge tachée de rouge. Je sanglote, j'étouffe : ma mère reparaît et me pousse dans le cabinet où je couche, où j'ai peur tous les soirs.

Je puis avoir cinq ans et me crois un parricide (1).

Ce n'est pas ma faute, pourtant !

Est-ce que j'ai forcé mon père à faire ce chariot ? Est-ce que je n'aurais pas mieux aimé saigner, moi, et qu'il n'eût point mal ?

Oui - et je m'égratigne les mains pour avoir mal aussi.

C'est que maman aime tant mon père ! Voilà pourquoi elle s'est emportée.

On me fait apprendre à lire dans un livre où il y a écrit en grosses lettres, qu'il faut obéir à ses père et mère ma mère a bien fait de me battre.

 

Jules Vallès, L'Enfant, 1878.

 

1) parricide : qui tue son père ou sa mère (ou tout autre ascendant légitime).

 


TEXTE 2

 

Prendre un enfant par la main

Pour l'emmener vers demain

Pour lui donner la confiance en son pas

Prendre un enfant pour un roi

Prendre un enfant dans ses bras

Et pour la première fois

Sécher ses larmes en étouffant de joie

Prendre un enfant dans ses bras

 

Prendre un enfant par le cœur

Pour soulager ses malheurs

Tout doucement sans parler, sans pudeur

Prendre un enfant sur son cœur

Prendre un enfant dans ses bras

Et pour la première fois

Verser des larmes en étouffant de-joie

Prendre un enfant contre soi

 

Prendre un enfant par- la- main

Et lui chanter des refrains

Pour qu'il s'endorme à la tombée du jour

Prendre un enfant par l'amour

Prendre un enfant comme il vient

Et consoler ses chagrins

Vivre sa vie des années puis soudain

Prendre un enfant par la main

En regardant tout au bout du chemin

Prendre un enfant pour le sien

 

Yves Dutheil, Prendre un enfant.

 


QUESTIONS

 

COMMENCES DE LECTURE : (10 points)

 

TEXTE 1

Question n°l : (4 points)

a) Au début du texte, le narrateur partage avec son père un moment privilégié qu'un incident vient interrompre. De quel incident s'agit-il ?

b) Quels sont les sentiments successifs, (trois au minimum), éprouvés par le narrateur ? Justifiez votre choix. Expliquez pourquoi ses sentiments évoluent au fil du texte.

 

TEXTE 2

Question n°2 : (2 points)

A quel genre littéraire appartient le texte 2 ?

Donnez trois raisons qui justifient votre choix.

 

TEXTES 1 ET 2

Question n°3 : (4 points)

La succession des infinitifs dans le texte 2 invite les adultes à un certain comportement à l'égard des enfants. Présentez ce comportement, puis comparez-le avec celui révélé dans le texte 1.

 

COMPETENCES D'ÉCRITURE : (30 lignes environ) (10 points)

 

Un magazine pour la jeunesse prétend dans un article que les adolescents se détournent de la vie de famille. Dans une lettre adressée au rédacteur du journal, vous réfutez ou soutenez cette affirmation en vous appuyant sur des arguments illustrés d'exemples (deux arguments minimum).

Vous serez évalué(e) sur la qualité de votre expression écrite, la présentation et le contenu de votre lettre.

(Pour respecter l'anonymat de votre copie, ne signez pas la lettre).