Épreuve de B.E.P./CAP du secteur secondaire - Académie d'Amiens - Français

 

 

TEXTE

Lucien était douillettement recroquevillé sur lui-même. C'était là une position qu'il lui plaisait de prendre. Il ne s'était jamais senti aussi heureux de vivre, aussi détendu. Tout son corps était au repos et lui semblait léger. Léger comme une plume, comme un soupir. Comme une inexistence. C'était comme s'il flottait dans l'air ou peut-être dans l'eau. Il n'avait absorbé aucune drogue, usé d'aucun artifice pour accéder à cette plénitude(1) des sens. Lucien était bien dans sa peau. Il était heureux de vivre. Sans doute était-ce un bonheur un peu égoïste.

Une nuit, le malheureux fut réveillé par des douleurs épouvantables. Il se sentit comme serré dans un étau, écrasé par le poids de quelque fatalité. Quel était donc ce mal qui lui fondait dessus ! Et pourquoi sur lui plutôt que sur un autre ? Quelle punition lui était là infligée ? C'était comme si on l'écartelait, comme si on brisait ses muscles à coups de bâton. " Je vais mourir ", se dit-il.

La douleur était telle qu'il ferma les yeux et s'y abandonna. Il était incapable de résister à ce flot qui le submergeait, à ce courant qui l'entraînait loin de ses rivages familiers. Il n'avait plus la force de bouger. C'était comme si un carcan(2) l'emprisonnait de la tête aux pieds. Il se sentait attiré vers un inconnu qui l'effrayait déjà. Il lui sembla entendre une musique abyssale(3). Sa résistance faiblissait.

Le néant l'attirait vers lui.

Un étrange sentiment de solitude l'envahit alors. Il était seul dans son épreuve, terriblement seul. Personne ne pouvait l'aider. C'était en solitaire qu'il lui fallait franchir le passage. Il ne pouvait en être autrement.

Ses tempes battaient, sa tête était traversée d'ondes douloureuses. Ses épaules s'enfonçaient dans son corps. " C'est la fin ", se dit-il encore. Il lui était impossible de faire un geste.

Un moment, la douleur fut si forte qu'il crut perdre la raison et soudain ce fut comme un déchirement en lui. Un éclair l'aveugla. Non, pas un éclair, une intense et durable lumière plus exactement. Un feu embrasa ses poumons. Il poussa un cri strident. Tout en l'attrapant par les pieds, la sage-femme dit : " C'est un garçon. "

Lucien était né.

Claude BOURGEYX, Les petits outrages, (Éditions Le Castor Astral, 1984)

 

(1) Bien-être, épanouissement

(2) Collier de fer qui maintient prisonnier

(3) Venue des profondeurs


QUESTIONS

Toutes vos réponses doivent être rédigées.

 

Compétences de lecture (10 points).

 

1) Lucien éprouve deux sensations très contrastées. Nommez-les et justifiez votre réponse en relevant les deux champs lexicaux correspondants.

 

2) Dans le deuxième et le troisième paragraphes du texte (lignes 8 à 17), Lucien comprend-il ce qui lui arrive ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur trois exemples des différents procédés d'écriture utilisés (types de phrases, images ... ).

 

3) Qu'apprend-on à la fin du texte ? De la ligne 19 à la ligne 29, relevez au moins trois indices qui conduisent à cette révélation.

 

Compétences d'écriture (10 points).

 

Des jumeaux (garçons ou filles) se préparent pour le jour de leur naissance. L'un est curieux de découvrir le monde extérieur, l'autre est inquiet et craint de l'affronter. Chacun défend son point de vue.

Consignes :

Vous rédigerez cette discussion sous forme de dialogue argumenté.

Votre texte comptera une trentaine de lignes.

La ponctuation et la mise en forme doivent permettre de reconnaître les deux émetteurs.

Vous accorderez une attention particulière à l'orthographe et à la qualité de l'expression


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