Texte 1
On sait qu'il y a un siècle une hardie expérience
avait attiré l'attention publique sur le docteur Nathaniel
Faithburn. Partisan convaincu de l'hibernation humaine,
c'est-à-dire de la possibilité de suspendre les
fonctions vitales, puis de les faire renaître après un
certain temps, il s'était décidé à
expérimenter sur lui-même l'excellence de sa
méthode. Après avoir, par testament holographe (1),
indiqué les opérations propres à le ramener
à la vie dans cent ans jour pour jour, il s'était
soumis à un froid de 172 degrés ; réduit alors
à l'état de momie, le docteur Faithburn avait
été enfermé dans un tombeau pour la
période convenue. Or, c'était
précisément, ce jour-ci, 25 juillet 2890, que le
délai expirait, et l'on venait offrir à Francis Bennett
de procéder, dans l'une des salles du Earth-Herald,
à la résurrection si impatiemment attendue. Le public
pourrait de la sorte être tenu au courant seconde par seconde.
[
]
Le corps de Nathaniel Faithburn est là, dans sa bière,
qui est placée sur des tréteaux au milieu de la
salle.
Le téléphote (2) est actionné, et le monde
entier va pouvoir suivre les diverses phases de
l'opération.
On ouvre le cercueil... On en sort Nathaniel Faithburn... Il est
toujours comme une momie, jaune, dur, sec. Il résonne comme du
bois. On le soumet à la chaleur à
l'électricité... Aucun résultat... On
l'hypnotise... On le suggestionne (3)
Rien n'a raison de cet
état ultra-cataleptique (4)...
- Eh bien, docteur Sam ? demande Francis Bennett.
Le docteur Sam se penche sur le corps, il l'examine avec la plus vive
attention... Il lui introduit, au moyen d'une injection hypodermique
(5) quelques gouttes du fameux élixir Brown-Séquard,
qui était encore à la mode... La momie est plus
momifiée que jamais.
- Eh bien, répond le docteur Sam, je crois que l'hibernation a
été trop prolongée...
- Et alors ?
- Et alors, Nathaniel Faithburn est mort.
-Aussi mort qu'on peut l'être!
- Pouvez-vous dire depuis quand ?
- Depuis quand ? répondit le docteur Sam. Mais depuis qu'il a eu la fàcheuse idée de se faire congeler par amour pour la science...
Jules Verne, Lajournée d'un journaliste
américain en 2890, 1891.
(1) Holographe : Testament écrit en entier de la main du testateur. (2)Téléphote : Sorte de télévision.
(3) On le suggestionne : les médecins lui affirment qu'il est vivant.
(4) État ultra-cataleptique: Etat de paralysie extrême. (5) Injection hypodermique: Piqûre effectuée sous la peau.
Texte 2
Une équipe de chercheurs
américains, au cours d'une mission dans l'Antarctique
découvre, à 1 000 mètres sous la glace, les
corps d'un couple datant de 900 000 ans. On assiste dans l' extrait
proposé au réveil de la jeune femme.
Non, elle n'était pas réveillée. Ses longues paupières étaient encore baissées sur le sommeil interminable. Mais son coeur battait avec une puissance tranquille, ses poumons respiraient calmement, sa température montait peu à peu vers celle de la vie.
- Attention ! dit Lebeau, penché sur l'encéphalographe(1). Pulsations irrégulières... Elle rêve!
Elle rêvait! Un rêve l'avait accompagnée,
recroquevillé, gelé quelque part dans sa tête, et
maintenant, réchauffé, il venait de fleurir. Fleurir en
quelques stupéfiantes images ? Roses ou noires ? Rêve ou
cauchemar ? Les pulsations du cur montèrent brusquement
de 30 à 45, la pression sanguine piqua une pointe, la
respiration s'accéléra et devint
irrégulière, la température grimpa à
36°.
- Attention! dit Lebeau. Pulsations de pré-réveil. Elle
va s'éveiller! Elle s'éveille! Ôtez
l'oxygène!
Simon souleva l'inhalateur et le tendit à une
infirmière. Les paupières de la femme frémirent.
Une mince fente d'ombre apparut au bas des paupières. Nous
allons lui faire peur! dit Simon.
Il arracha le masque du chirurgien qui lui cachait le bas du visage.
Tous les médecins l' imitèrent.
Lentement, les paupières se soulevèrent. Les yeux
apparurent, incroyablement grands. Le blanc était très
clair, très pur. L' iris large, un peu éclipsé
par la paupière supérieure, était du bleu d'un
ciel de nuit d'été, semé de paillettes d'or. Les
yeux restaient fixes, regardaient le plafond qu'ils ne voyaient sans
doute pas. Puis il y eut une sorte de déclic, les sourcils se
froncèrent, les yeux bougèrent, regardèrent, et
virent. Ils virent d'abord Simon, puis Moïssov, Lebeau, les
infirmières, tout le monde. Une expression de stupeur envahit
le visage de la femme. Elle essaya de parler, entrouvrit la bouche,
mais ne parvint pas à commander aux muscles de sa langue et de
sa gorge. Elle émit une sorte de râle. Elle fit un
effort énorme pour soulever un peu la tête, et regarda
tout. Elle ne comprenait pas où elle était, elle avait
peur, et personne ne pouvait rien lui dire pour la rassurer.
Moïssov lui sourit.
Barjavel, La Nuit des temps, 1968.
(1) Encépbalographe : appareil
quipermet de visualiser les réactions du cerveau.
l - Compétences de lecture /10 points
1.Dans le texte 1, relevez les indices qui permettent aux lecteurs de se situer dans le temps. /1
a) À quelle époque a lieu la réanimation ? b) Depuis quelle date Nathaniel Faithburn attend-il sa " résurrection " ?
2.En vous appuyant sur ces indices ainsi que sur le chapeau du texte 2,déduisez le genre auquel appartiennent ces deux extraits. /1
3. Étude comparée des textes 1 et 2 /4x2
a) Précisez le thème commun à ces deux textes. b) Comment se terminent les deux expériences ?
c) Comment le suspens est-il créé dans chacun de ces récits ?
Vous pouvez aussi faire appel à vos connaissances grammaticales (ponctuation, emploi des temps ... ).
d) Définissez le ton de chacun de ces textes.
Vous justifierez votre réponse en relevant au moins deux expressions dans chacun des textes.
II - Compétences d'écriture /10 points
Vous racontez le retour à la vie de la jeune femme. Vous évoquez ses réactions et celles de son entourage en adoptant son point de vue ou celui d'un témoin. Vous commencez votre texte par : Elle fit un effort énorme pour soulever un peu la tête, et regarda tout. Elle ne comprenait pas où elle était, elle avait peur, et personne ne pouvait rien lui dire pour la rassurer. Moïssov lui sourit.
Il ne faut pas confondre ces deux notions.
a) Par type de texte, on entend: le
texte narratif (il raconte des événements selon un
certain ordre chronologique) ; le texte descriptif (il donne à
voir un lieu ou un personnage) ; le texte argumentatif (il justifie
de façon logique et raisonnée, une thèse par des
arguments et des exemples); le texte informatif/explicatif (il
augmente les connaissances du lecteur), le texte injonctif (il
émet une suite d'ordres ou de consignes).
b) Par genre, on désigne:
- les quatre principaux modes d'expression: roman, poésie, théâtre, essai.
- les sous-genres de chaque genre.
Ainsi le genre narratif peut-il se décomposer en sous-genres: réaliste, fantastique, merveilleux, sciencefiction, policier, sentimental, d'aventure, etc.
De même pour le genre théâtral, on observe les sous-genres suivants: comédie, tragédie, drame, etc.