S'entrainer au BEP - Le texte argumentatif - STRASBOURG 1998 - BEP


 

Texte 1 - Le trafic atroce du bois d'ébène

 

Ça commençait souvent la nuit : le village angolais (1) ou soudanais était soudain encerclé et incendié, et toute sa population - sauf les bébés et les trop vieux éliminés sur place - passait sans transition du sommeil à l'esclavage.

Les Blancs avaient fini par établir des comptoirs de chair vivante à l'embouchure des rivières, dans les lagons (2) de la côte occidentale de l' Afrique. Là prospéraient, aux XVIeme et XVIII eme siècles, des empires parallèles complètement fous tels celui de Mongo John (Roi John) ou de Don Pedro Blanco qui, au fond d'un lagon inexploré, avait une île-cuisine et une île-harem où étaient gardées ses cinquante femmes.

 

Dans ces prisons, qu'un voyageur du XVIIIeme siècle décrit comme des "lieux de putréfaction", les esclaves misérablement entassés (ils étaient parfois 4 000 ou 5 000) attendaient quelques jours ou quelques mois la venue du navire négrier. Celui-ci était armé (3) le plus régulièrement du monde à Nantes ou ailleurs pour le transport de ce qu'on appelait les " pièces d'Inde" ou le "bois d'ébène".

Toutes sortes d'épidémies menacent et frappent cet effroyable entassement humain. Les esclaves désespérés peuvent aussi se révolter et s'emparer du navire. On comprend qu'il rôde des fantasmes (4) cauchemardesques dans la tête de tout le monde à bord et qu'il se raconte, aux XVI eme et XVIII eme siècles, beaucoup d'histoires de chargements d'esclaves jetés à la mer, d'équipages torturés et massacrés par les esclaves en furie.

 

Lorsque le navire arrive en vue des côtes urbaines, de Saint-Domingue ou d'Haïti, 20 à 30 % de la "cargaison" a disparu. Et souvent aussi une bonne partie de l'équipage car tout le monde meurt beaucoup à bord des négriers. Le capitaine va prendre quelques jours ou quelques semaines pour "parfumer ses nègres" - les retaper, à terre, avec des légumes, des fruits et un minimum de soins - avant de les vendre.

La vente se fait aux enchères publiques. Il a fallu auparavant arroser(5) qui de droit, le gouverneur, les autorités du port, les fonctionnaires en tous genres qui s'enrichissent ainsi sans risque et efficacement .

 

Dominique Pelegrin, Télérama, 1 0 janvier 1978.

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    (1) En AfriqueÉquatoriale. (2)Petit lac d'eau salée, peu profond, entre la terre et un récif de corail.

    (3) Équiper un navire pour lui permettre de prendre la mer. (4)Production de l'imagination.

    (5) (familier) Donner de l'argent, acheter.

     

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    Texte 2

     

    […] La plupart des familles de Saint-Paul ne possédaient, à cette époque, que deux ou trois Noirs ; seuls quelques privilégiés en comptaient plus de dix. Le maître se comportait souvent comme le père de cette petite communauté et celui qui aurait fouetté un Noir sans raison se serait attiré l'opprobre (1) de tout le pays. Hélas ! Cette ère de paix n'était pas pour durer.

     

    Je le constatai pour la première fois en 1724, l'année de mes neuf ans, le jour où Père acheta un quatrième esclave, Ovide.

    Un bateau avait été signalé deux semaines plus tôt. Tout le quartier avait vite reconnu, à sa silhouette, un transport de Noirs. C'était un trois-mâts de la Compagnie des Indes, lourd et bas sur l'eau. Basé au Port-Louis de l'île de France, il avait fait, quelques mois plus tôt, une campagne infructueuse à Madagascar. Cette fois, il revenait de la côte orientale d'Afrique.

     

    Au gré des escales, le vaisseau avait entassé dans ses soutes des bois précieux, du café, du grain, qui n' avaient guère laissé de place à la centaine d'esclaves achetés au Mozambique. Ils avaient le plus souvent voyagé sur le pont, ne descendant dans les coursives qu'aux mauvais jours. Cette exposition au grand air et la brièveté du voyage due à des vents favorables avaient limité les pertes à quatorze individus - des femmes pour la plupart - dont les cadavres avaient alimenté les requins de l'Océan Indien.

     

    La population entière assista au débarquement de la cargaison humaine. Les adultes jaugeaient l'état des nouveaux arrivants, tandis que nous, enfants, nous nous amusions […], riant aux éclats quand un des Noirs, abasourdi, à la descente de la chaloupe, chutait dans le ressac(2). Quelques habitants, plus hardis que les autres, s'approchèrent des premiers groupes serrés sur la plage, commencèrent à tâter les musculatures, à examiner les dents […]

     

     

    Daniel Vaxelaire, Chasseurs de Noirs, Éditions Gallimard, 1982

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    (1)Sujet de honte, cause de déshonneur.

    (2) Retour violent des vagues sur elles-mêmes lorsqu'elles ont frappé la côte.

     

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    Texte 3 (à lire pour traiter la question II. Expression écrite)

     

    Les petites mains qui cousent les ballons de football

     

    Une année de Coupe du Monde est faste pour les fabricants de ballons ronds au Pakistan.

    Jusqu'à maintenant les "petites mains" ont été très prisées pour coudre les différents éléments de cuir (de plus en plus rare) ou de matériaux composites qui forment l'enveloppe extérieure du ballon.

    Plusieurs milliers d'enfants de 5 à 14 ans - 7 000 environ selon une enquête de 1996 - font ainsi jusqu'à 8 ou 9 heures de courture par jour, parfois dans des ateliers, mais le plus souvent chez leurs parents.
    d après Les Dernières Nouvelles dalsace, 20 octobre1997

     

     

     

    QUESTIONS

     

    I- Compréhension (vous serez évalué(e) exclusivement sur le contenu de vos réponses) ( 10 points)

     

  • 1. Quel est le thème commun évoqué par les textes 1 et 2. (1 point)

     

    2. D. PELEGRIN porte un jugement personnel sur la situation qu'il évoque.

  • Indiquez quelle est la nature de ce jugement et relevez trois termes ou expressions du texte qui le caractérisent.
    (3 points)

     

    3.a) En vous appuyant sur des éléments précis du texte 2, précisez qui est le narrateur. (3 points)

  • b) Quelle est son attitude face à ce qu'il raconte ? Expliquez-la.

    4. Avez-vous compris le titre " Le trafic atroce du bois d'ébène " de la

  • même facon avant et après la lecture de l'ensemble du texte ? Évitez de répondre uniquement par oui ou par non et développez votre réponse qui devra rendre compte du sens des termes utilisés dans ce titre (sens propre, métaphore, connotation affective ... ). (3points)

     

     

    II - Expression écrite (vous serez évalué(e) à la fois sur le contenu et la forme de vos écrits) (10 points)
    Lisez attentivement le texte 3 : "Les petites mains qui cousent les ballons de football"

    Après avoir lu l'article des Dernières Nouvelles d'Alsace, vous réagissez à propos de cette information qui relate une nouvelle forme d'esclavage.
    Dans une lettre destinée au Courrier des lecteurs de ce quotidien, vous exprimez vos réactions et les sentiments que cette situation vous inspire.Vous tiendrez compte du fait que lejournal pourra décider de publier votre lettre et que celle-ci doit donc être rédigée dans une forme acceptable.

    Votre lettre comportera 25 à 30 lignes et ne devra pas être signée.