Lecture dun recueil poétique - Bac Pro
" Jai toujours considéré que les seuls écrits valables
étaient ceux qui pouvaient être inscrits dans la pierre. "
F. Ponge
Nous nous proposons dans les pages qui vont suivre de montrer comment à partir de certains traits particuliers de lécriture de Segalen, nous pouvons construire la lecture dun de ses recueils poétique, Stèles (1).
La lecture de luvre peut être accompagnée dun questionnaire qui servira de point de départ à létude des parcours choisis.
1) Décrivez la composition du recueil (explication du titre, différentes parties qui composent le recueil, équilibre ou non de ces parties, unité thématique ou non, particularité des titres, forme poétique utilisée).
2) Observez les "Je " dans les poèmes, quels sont les personnages qui se cachent sous se " Je " ?
3) Recherchez et classez (par champ lexicaux ou catégories grammaticales) le lexique propre au monde chinois. Pour simplifier cette question on répartira les élèves en six groupes, chacun faisant la recherche sur une seule des parties du recueil.
4) Expliquez en quelques lignes loriginalité de Stèles.
5) La " visée " de ce recueil est-elle de décrire la Chine et la vie des Chinois ? Justifiez.
6) Citez les poèmes que vous avez préféré.
Déroulement de la séquence
Problématique : Quels sont les éléments qui constituent la singularité de Stèles ? En quoi cette uvre échappe-t-elle aux écueils de la littérature " colonialiste " ?
Pré-requis :
- lire Stèles
- répondre au questionnaire
- maîtriser les connaissances suivantes : champ lexical, champ sémantique, situation dénonciation, poème en vers /poème en prose, vers / verset, métaphore
On donnera aux élèves une chronologie de la Chine du XIXè aux années 1930, ainsi que les cartes (2) qui retracent les itinéraires des voyages en Chine de Segalen.
Nous ne développons ici que la première séance et nous proposerons des pistes succinctes pour les séances suivantes.
Séance 1 : Macro et micro organisation : la composition du recueil.
La pratique du recueil poétique étant peu fréquente pour nos élèves il paraît nécessaire de leur montrer quune uvre poétique ne se réduit pas à la succession de poèmes placé au hasard, les uns à la suite des autres. Tout comme un roman ou une pièce de théâtre, les recueils poétiques ont un ordre, une logique, une dynamique qui obéissent à une " stratégie " souhaitée par le poète.
Cette première séance étant longue, on peut se proposer de répartir les élèves en trois groupes.
Quelques pistes de réponses :
Dans le Littré on peut lire la définition suivante :
" STÈLE s. f.
Terme d'architecture. Monument monolithe ayant la forme d'un fût de colonne, d'un cippe, d'un obélisque.
Étymologie : Du grec, colonne, du grec, être debout, lat. stare"
La définition du Grand Robert, ne diffère guère de celle de Littré.
Le pluriel de Stèles permet détablir dès labord du livre un parallélisme entre le titre du recueil et les poèmes. Pour le lecteur il semble indéniable que chaque poème apparaisse comme une stèle.
Lélision de larticle nest pas sans évoquer la même élision dans le recueil Alcools dApollinaire qui paraîtra un an plus tard que Stèles. En omettant larticle, Segalen donne à ces stèles une valeur emblématique, voire générique, elles deviennent une sorte de nouvel art poétique comme Odes ou Élégies. Il est intéressant de remarquer que cette absence darticle se retrouve dans plusieurs poèmes de Stèles, cette élision est le signe dun état archaïque de la langue.
On retiendra donc :
- un monument qui allie la pierre et lécriture, ce qui peut connoter la civilisation, le travail de lhomme, mais aussi le désir de perdurer, de laisser des traces
- un titre qui annonce une forme poétique inédite
- une forme érigée, un espace clos doù la brièveté des poèmes et leur disposition en colonnes
La préface suit le mouvement suivant :
1- la description de la stèle (on reconnaîtra la précision de larchéologue quétait Segalen)
2- lhistorique des fonctions de la stèle :
- ornement funéraire - poteau sacrificatoire
- mesure du temps (la stèle comme " cadran solaire ")
3- la beauté et lefficacité de linscription
4- lorientation des stèles : les stèles sont orientées en Chine selon leurs fonctions, on distingue donc :
les stèles du Midi : avis, édit, lois promulgués par lEmpereur les stèles du Nord : signes de lamitié, de lamour
les stèles de lOuest : la guerre et les actes héroïques
les stèles du Bord du chemin : stèles de la marche, du voyage, stèles ouvertes à tous, sortes de bornes, de repères dans lespace
les stèles du Milieu : lieu par excellence. Segalen ne le précise pas, mais ces stèles se situent au carrefour des points cardinaux, mais aussi du Ciel et de la Terre, ce sont donc des stèles privilégiées.
La préface se justifie dune part parce quelle justifie le titre, dautre part parce quelle fait pénétrer le lecteur dans un monde qui lui est généralement inconnu, celui de la Chine impériale.
Paul Claudel, poète, longtemps diplomate en Chine et ami de Segalen, cest presque naturellement que Stèles paraît lui être dédiée. Dans Connaissance de lEst, Claudel avait choisi la Chine comme inspiratrice dun long recueil de poèmes en prose. En reconnaissant sa dette envers Claudel, Segalen revendique donc dans une filiation poétique. Mais la dédicace nest pas seulement un hommage, elle permet aussi à lauteur de sinscrire dans le sillage des plus grands. Dune certaine manière, lécriture poétique est ainsi le témoignage dune lecture (en loccurrence celle de Claudel).
Là ou les deux poètes se rejoignent cest principalement dans leur refus du pittoresque : il ne sagit pas dans les deux cas doffrir au lecteur occidental une description des murs et des paysages chinois. Cela étant, la poésie de Segalen est aux antipodes des principes poétiques de Claudel, pour qui le voyage et la poésie sont lobjet dune révélation, dun " oracle ". Segalen reprochera toujours à Claudel de ne pas sêtre immergé dans le monde chinois, de ne pas avoir changé au contact de la Chine.
Leurs poétiques sont radicalement différentes, voire opposées. Pour Claudel il sagit de contempler le monde et den déchiffrer les signes, de lire ce que Dieu à travers sa création dit à lhomme. Si Claudel admire le monde cest parce quil est à limage du divin. Pour Segalen qui abhorre le christianisme, il sagit daborder le monde par les Sens, de reconnaître la Diversité en toute chose, de reconnaître la singularité de chacun et non de reconnaître en tout un reflet du divin.
Stèles est constitué de six ensembles : " Stèles face au Midi " (15 poèmes), " Stèles face au Nord " (8 poèmes), " Stèles orientées " (12 poèmes), " Stèles occidentées " (7 poèmes), " Stèles du bord du chemin " (9 poèmes) et enfin " Stèles du milieu " (13 poèmes).
Il sagit densembles irréguliers, le premier et le dernier comportant plus de poèmes que les autres, on serait donc tenté de leur accorder une importance supplémentaire. En particulier pour les " Stèles du milieu " : point symbolique et privilégié de la culture chinoise, et de larchitecture du recueil.
Tous les titres des ensembles convoquent la cosmologie chinoise, chacun des chapitres donne lieu à un groupement de poèmes placés sous le signe des différents points cardinaux. Si on se réfère aux indications de la préface, on remarquera que les ensembles sont hiérarchisés au sein du recueil ; cest donc tout naturellement que luvre sachève par les " stèles du Milieu ".
Normalement, les élèves du groupe 2 devraient corroborer ou infirmer ce que les élèves du groupe 1 ont découvert dans la préface sur le sens des point cardinaux.
" Stèles face au Midi " : cette première partie est dominée par la figure de lEmpereur : à la fois incarnation du pouvoir, mais aussi médiateur entre le Ciel et le peuple. Mais, si le Midi est bien le point cardinal du pouvoir, Segalen ne se contente pas de rester fidèle à ce principe, en effet, plusieurs poèmes de cette section semblent échapper au sens symbolique chinois du Midi, cest par exemple le cas pour " Les trois hymnes primitifs " ou " Ordre de Marche ".
" Stèles face au Nord " : cette section recouvre une unité thématique étonnante et rigoureuse ; tous les poèmes se référent à lamitié ou à lamitié trahie : " Empreinte ", " Jade faux ", " Trahison fidèle ". Enfin " Sans méprise ", mêle lamour et lamitié. Cette section se singularise par son lyrisme, labondante présence du " Je " et la brièveté des pièces.
" Stèles orientées " : comme la section précédente, cet ensemble présente une grande cohérence thématique, tous les poèmes évoquent lamour. Celui-ci se laisse deviner dès la lecture de certains titres : " Pour lui complaire ", " Visage dans les yeux ", " Mon amante a les vertus de leau ", " Stèle au désir ". Comme les stèles du " Nord ", les " stèles orientées ", comportent un petit nombre de poèmes, ce sont également des stèles brèves. Aucune ne comporte un nom de femmes, les nombreux " tu " ou " elle ", composent limage dune femme qui a le visage de la diversité.
" Stèles occidentées " : une fois de plus Segalen se trouve fidèle à la culture chinoise. Toutes les stèles de cette partie ont pour thème la guerre. Loin dêtre un hymne à lhéroïsme, ces pièce recèlent des images violentes, véritables hypotyposes de la cruauté comme par exemple dans " Libation mongole ".
" Stèles du bord du chemin " : contrairement aux sections précédentes, ce groupement apparaît hétérogène, mais cette hétérogénéité est conforme à la tradition chinoise, puisque les stèles du bord du chemin balisaient les étapes de marcheur sans obéir à une thématique ou à une visée précise. Cependant plusieurs des stèles de cette section renvoient à la figure du marcheur : " Conseils au bon voyageur " (premier poème), " Stèle du chemin de lâme " (ultime stèle de cette partie).
" Stèles du milieu " : plus encore que la première section qui nous semblait jusquici la plus diverse, cet ultime mouvement noffre pas une thématique que lon puisse immédiatement dégager. Cette dernière partie incarne lesthétique de Segalen qui recherche et exalte la Diversité. Ces dernières stèles sont plus méditatives que les autres, le " Milieu " est le lieu dune métamorphose, dun passage spirituel.
Des trois parcours de cette première séance ce dernier est le plus simple.
En montrant aux élèves un fac-similé de lédition originale (4) de Stèles, on sapercevra des préoccupations picturales de Segalen, rappelons quil est également lauteur dune uvre nommée Peintures. Le titre du recueil et la typographie des poèmes se redoublent ; tous les poèmes du recueil sont des stèles. Ils se présentent généralement sur une colonne, parfois deux mais jamais trois, ce qui aurait été un non-sens au regard de la composition des stèles chinoises. Le choix de la stèle comme figure iconique du poème impose donc à Segalen des choix formels : la brièveté et la prose.
Limage dans le recueil cest évidemment et surtout les idéogrammes chinois. Incompréhensibles pour le lecteur français, les idéogrammes napparaissent plus comme une écriture. Vides de sens, ils deviennent pour les lecteur des signes graphiques, des peintures, images même de la stèle. Comme une stèle mise en abîme. Cest évidemment une des originalités de Segalen que davoir intégré au cur même de sa poésie, une autre langue. Ce nest pas seulement un signe dexotisme, cest aussi en accord avec la quête esthétique et éthique du poète qui recherche la Diversité. Aller à la rencontre de lAutre, de sa civilisation, cest donc aussi aller à la rencontre de sa langue.
Tous les poèmes sont titrés et la plus part sont très brefs (ce qui nest pas un trait doriginalité pour un titre !).
On peut tenter détablir certains regroupements :
- les poèmes qui portent en eux une indication générique : tous les titres où le mot " stèle " apparaît, les titres où lon repère les mots " éloges " ou les mots " hymnes ".
- les poèmes qui suggèrent un rapport au sacré ou à la spiritualité : " Religion lumineuse " , " Vision pieuse ", " Table de sagesse "
- les titres qui se référent au monde chinois : " Les gens de Mani ", " Jade faux ", " Les cinq relations ", " Libation mongole ", " Hymne au dragon couché "
- certains titres évoquent le mouvement, le voyage : " Départ ", " Des lointains ", " Conseils au bon voyageur "
On pourrait poursuivre des classifications plus ou moins rigoureuses. Il importe en tout cas dobserver que les titres les plus fréquents sont ceux qui évoquent le monde chinois et ceux qui comportent le mot " stèle ". La difficulté à classer tous les poèmes par leurs titres, témoigne une fois de plus de lapparente diversité de la poétique de Segalen. Il y a chez lui une conception de la poésie qui est celle dune poétique nomade, une poétique ouverte, qui refuse de se figer, de se cantonner à tel ou tel thème ou à telle ou telle pensée.
Il sagit bien entendu de la forme poétique en prose, malgré tout, ces paragraphes se rapprochent davantage du verset de Claudel ou de Saint-John-Perse plutôt que des formes compactes des Petits poëmes en prose de Baudelaire.
Le verset permet de grandes libertés dans les scansions rythmiques, il insuffle une dynamique à la phrase. Ce choix est sans aucun doute lié à linfluence de Claudel sur Segalen, mais le verset, typographiquement se prête aussi parfaitement à la forme de la stèle. Le verset permet de jouer sur la disposition du poème, comme il permet de combiner les signes des ponctuation : virgule, point virgule, tiret. Lusage singulier du verset de Segalen, constitue une des originalités de Stèles, car il nest pas calqué sur le verset claudelien qui obéissait à des coupes régulières en décasyllabes ou alexandrins.
Synthèse de la séance
Au terme de ce parcours entre la macro et la micro structure de Stèles, certains traits de ce recueil et de la figure du poète ont été mis en évidence :
- un recueil qui tout en sinscrivant dans une filiation (celle de Claudel), opte pour une forme unique, très personnelle
- un recueil qui suggère le parallélisme entre la pierre et la poésie
- une poétique de la Diversité (par lorganisation en chapitres, par la variété de ses titres, par la richesse des thèmes, par son usage particulier du verset)
Séance 2 : Les visages du " Je " (étude de la langue : analyse de lénonciation)
Sil est nécessaire de consacrer une séance à lénonciation, cest parce quelle est problématique Dans de nombreux poèmes le lecteur peut se demander : qui parle ? où est la voix du poète ?
Un parcours rapide des " Stèles face au midi " fait apparaître la figure dominante de lEmpereur, en apparente position de locuteur : " En lhonneur dun sage solitaire ", " Hommage à la raison ", " Edit funéraire ". Cette énonciation se présente souvent sous la forme : " Moi lEmpereur [ ] ", attestant de la solennité de la prise de parole. On peut penser que ce " Moi " nest pas un discours pris en charge par lEmpereur, mais par celui qui écrit pour lui. Toute parole de lEmpereur est déléguée, reprise par un autre. Ce nest pas lEmpereur qui parle, son discours est énoncé au style indirect comme sil était rapporté par un scribe témoin, historiographe du royaume, comme dans les stèles : " Sur un hôte douteux ", " Nominations ".
Quelle figure du poète se donne à lire ici ? Le poète avance masqué, peut-être pour se dégager de tout lyrisme. Il cherche à se faire le témoin du monde et non son interprète, il nest pas déchiffreur de signes. Dans les " Stèles face au Midi ", seuls deux poèmes semblent pris en charge par le poète : " Nominations ", mais surtout " Sans marque de Règne " dans lequel Segalen paraît parler en son nom propre et revendiquer cette posture du scribe. En affichant sa posture énonciative comme celui qui écrit à la place dun autre, Segalen reconstitue en lui les attitudes et les intentions de lEmpereur. Il cherche donc à offrir à son lecteur quelque chose qui ne porte plus trace de son identité, il écrit dans loubli de soi-même. Cette volonté de retrait permet au poète de ne pas succomber à la tentation décrire comme celui qui découvrirait un monde nouveau, comme un touriste en mal dexotisme.
Ce que nous venons débaucher rapidement pour les " stèles face au Midi " est à prolonger sur dautres ensembles. On pourra montrer aux élèves que dans les autres sections demeurent souvent cette indécision, ce flottement énonciatif qui participe dun mode plurivocallique et qui, comme la thématique du recueil, participe dune poétique du Divers.
Séance 3 : Lecture de " Stèle provisoire "
Axes de lecture :
- le titre - lorganisation du poème
- lusage du verset
- lénonciation
- les métaphores
Cette lecture devra montrer que ce poème échappe pour une part aux " principes " de lensemble du recueil. Dans " Stèle provisoire " le monde chinois y est pratiquement absent, hormis dans le mot " calligraphe ", dautre part le poème est ici empreint dune forte tonalité lyrique dans laquelle se laisse entendre un souvenir amoureux.
Séance 4 : Etude lexicale : Quel lexique Segalen utilise-t-il pour évoquer le monde de la Chine ?
Nous avions montré dans un précédent article (5) que lentrée par le lexique était nécessaire pour rendre compte de la spécificité dune uvre poétique. Nous proposons donc ici quelques pistes pour lanalyse du lexique de Stèles.
Cette séance peut débuter ou être préparée en divisant la classe en six groupes (pour les six parties du recueil) avec pour consigne de recenser tout le lexique qui suggère la Chine. Pour ne pas se contenter dun unique relevé, on peut exiger que les élèves classent le lexique trouvé (noms propres, objets, nature, civilisation ), selon des critères quils devront eux-mêmes définir.
On devrait pouvoir faire apparaître certains traits singuliers du lexique du recueil, en particulier la paradoxale rareté du vocabulaire évoquant la Chine. Même si Segalen ne peut se passer de certains lieux communs du monde chinois comme les mots " jade ", " licorne ", " dragon ", " tablette funéraire ", on remarquera que le nombre de ces mots est très restreint. De plus contrairement à dautres auteurs qui se plaisent à user de mots de la langue chinoise, Segalen (alors quil connaît assez bien le chinois) nutilise quun seul vocable dans sa langue originale : " koumys " qui désigne une boisson fermentée fabriquée à partir du lait.
Où trouve-t-on alors la Chine ? Principalement dans deux classes lexicales : les noms propres et les notions philosophiques. En effet les noms propres chinois abondent : beaucoup de noms de dynasties et quelques rares noms de lieux : " Sa-than " et " Chenn ". Les dynasties abordées dans leur généalogie, par des expressions comme " Fils de ", inscrivent les poèmes dans une durée, dans une Histoire. Quant aux notions philosophiques elles sont identifiables par les majuscules : " le Milieu ", " le Grand-Vide ", " les Quadruples Points du Ciel ". Lusage du nom propre donne à ces mots une solennité. Tous ces termes nous font partagés les conceptions chinoises du monde, ils créent une atmosphère, une sensibilité qui invitent le lecteur à les partager. Ce vocabulaire de la civilisation chinoise concerne principalement le domaine de la cosmologie et celui de la religion.
Lusage du lexique du monde chinois fait de Stèles, un recueil entouré de mystère, de sacralité et demande au lecteur un effort pour interpréter ces signes. Le souci de Segalen est de sécarter de tout exotisme superficiel et colonialiste. Au-delà de la terre chinoise, cest lâme du peuple quil cherche à pénétrer.
Séance 5 : Lecture de " Conseils au bon voyageur "
Cette lecture, doit pouvoir servir de synthèse à létude du recueil. A travers lanalyse détaillée de cette stèle, on devra montrer que le principe qui régit Stèles est celui de léloge de la Diversité.
On pourra mettre en évidences certaines caractéristiques du poème :
Lesthétique de Segalen est une éthique qui se joue dans la jouissance de toute expérience, sans en refuser aucune.
Séance 6 : Evaluation. Type sujet du Bac
La poésie de Segalen est aussi une éthique, elle est découverte et reconnaissance de lautre dans son absolue différence. Lautre nest pas un autre moi-même quelquun dont je pourrais maccaparer les idées, la culture, la terre, quelquun auquel je pourrai me comparer; non lAutre est labsolument autre, son existence est radical questionnement, appel. Aller vers lAutre pour se découvrir soi-même.
On voit que cette lecture dune uvre intégrale aura privilégié des va et vient entre macro et micro structure de luvre et des analyses globales cherchant à dégager les traits constitutifs de lunité du recueil. Elle aura également permis aux élèves de se confronter avec une esthétique parfois difficile dabord mais riche de sa singularité.
Sans doute cette lecture sest-elle construite au détriment de lectures précises dextraits ; ce type de séquence nécessite donc au préalable létude dun groupement de textes de poèmes en prose dont lobjectif méthodologique sera de donner aux élèves des outils précis pour lanalyse du poème.
Plus que lacquisition de notions nécessaires à une étude précise des textes, cette séquence aura apporté aux élèves des outils pour rendre compte de la cohérence et de la singularité dune uvre.
Eric HOPPENOT
Notes
(1) Une édition abordable de cette uvre existe en Poésie / Gallimard. Mais elle présente un inconvénient majeur, celui davoir effacé la marque des stèles. En effet, dans lédition originale de Stèles, tous les poèmes sont encadrés, mimant et redoublant ainsi la figure de la stèle.
Toutes les références que nous donnons sont extraites de lindispensable édition de Henry Bouillier, publié au Mercure de France en 1982. Bouillier y restitue chacune des " stèles " dans son contexte décriture, traduit et donne les sources des idéogrammes chinois.
On se reportera également à lédition des uvres Complètes de Segalen en deux volumes, établies par Henry Bouillier et publiées chez Robert Laffont, collection Bouquins. Le second volume regroupe tous les écrits de Chine de Segalen, hormis sa correspondance.
(2) On trouve ses cartes dans lédition de Bouillier
(3) Avant létude de Stèles, peut-être serait il souhaitable de donner aux élèves quelques poèmes de Connaissance de lEst, par exemple : " Tombes. Rumeurs ", " La Pluie ", " Le Promeneur ". On peut les aborder soit sous la forme dun groupement de textes à étudier, soit comme simple lecture.
(4) Une photo de celle-ci est visible sur un des très rare site Internet (un mini-site !) consacré à Segalen.
(5) Voir " En cueillant le mimosa de Francis Ponge ", Interlignes n° ? ? ? ? ?
Lectures complémentaires :
Paul Claudel, Connaissance de lEst, Poésie Gallimard
Victor Segalen, Essais sur lexotisme, Biblio Poche, 1986
Victor P. Bol, Lectures de Stèles de Victor Segalen, Paris, Minard, 1972
Abdelkebir Khatibi, Figures de lÉtranger dans la littérature française, Paris, Denoël, 1987
Tzetan Todorov, Nous et les autres, Paris, Le Seuil, 1989
Revue Europe, Victor Segalen, n° 696, avril 1987
Axes de lecture :
Lecture de la préface
Organisation du recueil
Poésie et images
Analyse de lénonciation, les identités du " Je "
Un exemple danalyse lexicale, " la pierre " dans Stèles
Lecture méthodique de deux poèmes
Lectures complémentaires
La Chine :
Paul Claudel, Connaissance de lEst
Henri Michaux, Un barbare en Asie, Idéogrammes en Chine
La pierre objet poétique :
F. Ponge, " Lardoise "
Roger Caillois, Pierres écrites
Yves Bonnefoy, " Pierre écrite " in Poèmes
Guillevic, " Carnac "