Dans l'obscurité qui s'est refaite, le narrateur reprend : «
Vous venez d'assister à la rencontre du plaisir et de la pureté. L’histoire du Masque, c'était la
confrontation du plaisir et de l'amour.
Voulez-vous maintenant le plaisir et la mort ? Mais pas une mort totale,
un enterrement moral. C'est un peu
tragique, mais, consolez-vous, cela finit par un mariage. L'anecdote est contée par un chroniqueur
parisien auquel je prêterai ma voix, comme je l'ai fait si souvent. »
Séquence 1.
Sur la plage 1
Sur une plage automnale, deux hommes devisent à propos d'un couple qui demeure invisible. L'un d'eux, le chroniqueur, commente : « Bien sûr, c'est lui. Il y a trente ans que je le connais, et puis... » - « Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi il a épousé cette pauvre femme. » - « Comme on épouse, parbleu, par sottise. » - « Tout de même... » - « Il n'y a pas de tout de même. On est bête parce qu'on est bête. Pour le couple que tu vois là, l'accident s'est produit d'une façon spéciale. La petite a risqué le tout pour le tout. Et quand je dis risqué, qu'est-ce que j'en sais ? Qu'est-ce que l'on peut affirmer avec les femmes ? Elles mentent sans le savoir, sans le vouloir, sans le comprendre. Et, malgré cela, elles ont une franchise de sentiment et des réactions soudaines qui déroutent nos raisonnements et qui bouleversent notre programme. J'ai assisté à leur première rencontre. »
Séquence 2.
Amours
Beaux-Arts. Au pied du grand escalier de l'École des beaux-arts,
le chroniqueur, beaucoup plus jeune, et Jean Summer, un ami peintre, voient
passer une jeune femme. Jean se
précipite derrière elle dans l'escalier pour l'accompagner jusqu'au haut. L’ appareil pivote vers le sommet de la
volée de marches symétrique qu'ils redescendent ensemble, saluant au passage le
chroniqueur qu'ils laissent derrière eux.
Atelier. Le chroniqueur continue à commenter. La jeune femme, Joséphine, est devenue le
modèle de Jean dont elle partage la vie.
Ils interrompent une séance de pose pour déjeuner frugalement. Jean dit à Joséphine combien il lui trouve
de charmes. Galerie. Le
chroniqueur annonce la scène suivante : « Sa nouvelle manière de peindre lui
réussissait. » Dans une galerie de peinture, un homme cherche Jean pour lui
annoncer que sa toile est vendue. Jean
et Joséphine tombent dans les bras l'un de l'autre, se promettent de profiter
de cette vente pour se retirer un moment à la campagne.
Narration 5
« C'est là-bas, en ma présence, qu'éclata la première scène.
»
Au bord du fleuve. Les trois amis marchent au, bord de l'eau
tandis que la voix du chroniqueur dit le
dégoût qui a toujours suivi la possession et décrit la sereine fraîcheur du fleuve qui semble baigner l'esprit et le tremper de bonheur. Sur un échange de mots aigres entre Jean
et Joséphine, la dispute éclate entre eux.
Atelier. Le chroniqueur poursuit : « Trois mois plus
tard, ils se débattaient éperdument dans ces liens invincibles et invisibles
dont une habitude pareille enlace notre vie. » Dans son atelier, Jean vide au
sol les tiroirs pour retrouver la clé qu'a cachée Joséphine. Il poursuit celle-ci d'une porte à l'autre,
cherchant à lui arracher la clé qu'elle lui refuse. Saisissant les figurines de glaise qu'il rencontre sur son
passage, le couple les jette dans le grand miroir qui lui fait face et qui se
brise. Noir.
Séquence 4.
Séparation
Galerie. Dans la même galerie de peinture où avait
été vendue sa première toile, Jean revient, chargé de dessins et de
tableaux. Le marchand les examine et
lui consent une avance. Un client, à
qui il commente que Jean a de plus en plus besoin d'argent, suggère qu'il
pourrait s'agir d'un cadeau de rupture. « Cela m'étonnerait. Les peintres ne savent pas rompre. »
Atelier. Joséphine, de jour, revient à l'atelier où
elle cherche vainement Jean. Sur la
table, une enveloppe attire son attention.
Elle contient de l'argent, qu'elle laisse de côté, et une lettre qu'elle
lit avant de s'asseoir, pensive.
Chez le chroniqueur
. Jean déménage ses affaires pour s'installer dans le vaste atelier de son
ami. Ensemble, ils montent l'escalier
et parcourent l'atelier et la petite chambre attenante.
Errances. Le chroniqueur commente des images de
Joséphine errant au pied de l'escalier des Beaux-Arts - où des sièges marquent
encore l'endroit où Jean l'a vue pour la première fois -, dans la galerie de
peinture, dans l'atelier où elle se couche seule dans leur grand lit, autant de
lieux qui disent les images maintenant finies de son bonheur partagé avec Jean
: « Je m'étais peut-être trompé. était-ce par amour, était-ce par orgueil ?
Elle le cherchait toujours. »
Séquence
5. Confrontation
Confrontation 1.
« Un soir, vers neuf heures », Joséphine sonne à la porte de l'atelier du
chroniqueur. Elle le bouscule pour se
précipiter vers Jean occupé à sculpter une pièce de bois. Elle lui fait une scène pour lui demander de
la garder, de tenir ses promesses. Il
demeure sourd à ses arguments, continue à manier le ciseau.
Parenthèse musicale. Le chroniqueur entraîne Joséphine dans la
chambre attenante pour lui parler. Il
se met au piano et joue le thème du Modèle,
pendant qu'il lui explique que Jean l'aime toujours, mais que sa famille
veut le marier et qu'il lui faut rompre.
Il la croit résignée, la renvoie vers Jean dans l'autre pièce : « Ne
vous gênez pas pour moi ; je n'entends rien. » Il joue maintenant le quadrille
entraînant du Masque.
Confrontation 2. Joséphine fait de nouveau face à Jean : « Si tu te maries,
je me tue. » Jean la met au défi de s'exécuter. Joséphine s'élance dans l'escalier et la caméra se substitue à
elle, monte jusqu'à la fenêtre qu'ouvre une main de femme. La caméra franchit la fenêtre, bascule dans
le vide, traverse dans un fracas une verrière située plu- sieurs mètres plus
bas. La musique de piano fait place à
un arrangement de l'Ave verum de
Mozart qui continuera jusqu'à la fin du film.
Séquence
6. Sur la plage 2
Le couple invisible dont parlaient tout à l'heure le
chroniqueur et son compagnon passe maintenant devant les deux hommes. Ce sont Joséphine et Jean, vieillis,
emmitouflés dans des vêtements d'hiver sombres. Elle est dans un fauteuil d'infirme qu'il pousse devant lui. Ils passent devant le chroniqueur sans un
regard. La conversation reprend entre
les deux hommes : « Tu ne le salues pas ? » - « Il ne m'a pas pardonné mon
intervention. Il a eu tort. Il a trouvé l'amour, la gloire, la
fortune. Est-ce que ce ne n'est pas le
bonheur ? » - « Tout de même, tu m'avoueras que tout cela est bien triste. » -
« Mais, mon cher, le bonheur n'est pas gai. »
Noir et carton de fin