Scène I : (Julie, Angélique). Décor : une salle de séjour, un canapé, une table.

 

Julie : Ah, Angélique, tu ne connais pas ton bonheur ! Tu n’es pas timide, toi, tu n’as pas froid aux yeux !

A : Il est vrai que j’ai un certain talent avec les garçons…

J : Comme j’aimerais être comme toi…(regardant une photo). Je te déteste, je te hais ! (elle embrasse la photo) J’aurais voulu que tu sois bête, laid et sans humour.

A : Comme ça, tu arrêterais de te plaindre.

J : (qui paraît ne pas l’avoir entendue) Je n’aurais jamais dû le rencontrer. (elle jette la photo mais la ramasse aussitôt). Je serais l’ombre de ton ombre… (elle reste prostrée sur le canapé)

A : (à la fois inquiète et amusé) Julie ! Et oh ! Julie. (celle-ci ne répond pas. Angélique saisit alors la photo d’un geste vif.) Mais c’est Sébastien ! (Julie essaie de la reprendre, mais Angélique se réfugie à l’autre bout de la table.) Tiens je te le rends ton idole. Je vais même faire mieux pour toi… car tu es mon amie. (elle se rapproche doucement en agitant la photo) Car je n’aime pas voir souffrir une amie. Je lui parlerai, moi, à ton Sébastien, et on verra bien !

J : (cessant de pleurnicher, émerveillée) Tu ferais ça pour moi ?

A : Pas plus tard que ce soir. Il vient justement chercher mon frère pour aller au cinéma, figure toi. Je saurais bien l’intéresser à ton sort. Fais-moi confiance, tu auras l’original à tes pieds. (Julie sort toute guillerette, après avoir remercié chaleureusement son amie.)

 

Scène II : (Angélique, Sébastien)

 

A : (enjouée) Mon frère n’est pas encore arrivé. Tu prendras bien un soda. Assieds-toi. Qu’est-ce que vous allez voir comme film ?

S : Euh…

A : Ne me réponds pas : encore un truc avec des bagarres, des poursuites et des tops-models idiotes.

S : Pas du tout, nous…

A : Enfin, je suppose que tous les garçons sont comme ça…

S : Pas du tout, je…

A : Ils vont au cinéma, alors que (insinuante) j’en connais, moi, des filles qui…

S : (intéressé) Qui ?

A : Qui non seulement les accompagneraient au cinéma mais en plus les cultiveraient un peu.

S : Mais je ne demande qu’à me cultiver, moi !

A : Pourquoi ne regardes-tu pas autour de toi ? Tu ne vois pas une jeune fille qui te connaît, une amie, une voisine qui ferait l’affaire ?

S : Je ne connaissais pas tes talents de marieuse.

A : Bien sûr, je ne dis pas ça pour moi (à part : quoique…) Figure-toi que j’ai une amie, une vraie, hein, qui est folle de toi.

S : Non ?

A : Pas plus tard que ce matin, elle m’a demandé de te parler car elle est vraiment trop timide. (elle se rapproche sournoisement)

S : Moi aussi, je suis timide. Pourtant avec toi je me sens bien. (il se rapproche aussi)

A : C’est ce qu’elle m’a dit aussi. On a tous besoin d’une âme sœur. Quelqu’un qui saurait vous comprendre sans que vous parliez. Qui devancerait même vos désirs. (elle se laisse emporter) Qui vous aimerait même pas maquillée. (elle le regarde du coin de l’œil), pas coiffée. Qui vous apporterait des fleurs quand ce n’est pas votre anniversaire.

S : (pour lui-même) C’est une jeune fille très romantique.

A : (qui a entendu) Très…

S : (se serrant contre elle. Elle se lève un peu brusquement pour lui servir son coca et la photo tombe sur le sol sans qu’elle s’en aperçoive. S la ramasse rapidement. Il est d’abord surpris, puis, prenant un air fin) Elle est jolie ton amie ?

A : Très.

S : Aussi jolie que toi ?

A : (elle hésite, et, avec une moue) On ne joue pas dans la même catégorie. Et puis, elle est timide, elle ne sait pas dire les choses directement.

S : Je vois…

A : Alors qu’est-ce que tu en penses ? Serais-tu prêt à la rencontrer ?

S : Au cinéma par exemple ?

A : Ce serait parfait : les timides aiment bien l’obscurité… Et puis rien ne vous empêche de parler, avant ou … après. Oh, oui, elle aimera certainement. Mais dis-donc, que fais-tu de mon frère ?

S : Pour sa sœur, il serait prêt à tout, non ?

A : Pour sa s… Pourquoi pas, et puis (une hésitation), je crois que le film ne lui plairait pas du tout…